Depuis la fin septembre 2025, la situation politique à Madagascar connaît une brusque accélération : une contestation sociale éclate, embrase le pays et aboutit à une redéfinition du pouvoir. L’association Baobab suit avec attention cette crise, en lien avec ses salariés et ses partenaires sur place.
Entre le début des manifestations, initiées par le mouvement de la Génération Z, et le départ du président Andry Rajoelina, le dimanche 12 octobre, dix-huit jours se sont écoulés durant lesquels les revendications contre les incessantes coupures d’eau et d’électricité se sont transformées en rejet de la corruption puis en appel à la démission du chef de l’État.
Arrivé une première fois à la tête du pays par un coup d’État soutenu par l’armée en 2009, Andry Rajoelina avait été contraint, en 2013, de se retirer de la vie politique. Il fut ensuite élu à deux reprises lors de scrutins entachés d’irrégularités, promettant de faire de Madagascar un pays émergent en cinq ans. En réalité, Madagascar demeure l’un des pays les plus pauvres du monde, le seul à s’être appauvri sans connaître la guerre : aujourd’hui, plus de 80 % de la population vit avec moins de 2,60 € par jour.
D’abord portées par des revendications sociales et démocratiques, les manifestations ont rapidement dégénéré, faisant, selon l’ONU, au moins 22 morts lors des premières répressions. Face à l’escalade, une partie de l’armée a refusé de poursuivre les violences, provoquant une fracture au sein des forces de l’ordre. C’est finalement le CAPSAT, une division de l’armée, qui a pris le dessus et installé un pouvoir de transition dirigé par le colonel Michaël Randrianirina.
Originaire du Sud du pays, formé à l’école militaire, le colonel Randrianirina fut gouverneur du district d’Androy puis commandant d’un bataillon d’infanterie à Tuléar, où il acquit une solide réputation qui lui confère aujourd’hui une certaine légitimité. Arrêté en 2023, accusé de fomenter un coup d’État, libéré en 2024, il a été nommé à la tête du CAPSAT en raison de ses états de service.
L’enjeu pour le nouveau dirigeant est désormais d’éviter les sanctions internationales habituellement décrétées en cas de coup de force. Il s’efforce ainsi de ne pas prononcer les mots fatidiques de « coup d’État », préférant évoquer « la mise en place de nouvelles structures pour la rénovation nationale ». Le colonel Randrianirina promet l’organisation d’élections dans un délai de dix-huit à vingt-quatre mois.
La période qui s’ouvre sera décisive : entre la nécessité de restaurer la confiance des investisseurs, de maintenir le soutien des bailleurs (FMI, Banque Mondiale, Banque Africaine de développement …) et de répondre aux attentes d’une jeunesse en quête de changement, la transition s’annonce délicate. La stabilité politique dépendra de la capacité des nouvelles autorités à renouer le dialogue avec tous les acteurs : militaires, société civile, mouvements citoyens et partenaires internationaux.
Dans cette phase d’incertitude, l’association Baobab se réjouit qu’il n’y ait aucune victime dans ses partenaires locaux, ses salariés et ses élèves et renouvelle sa solidarité envers ceux-ci. Malgré la fermeture exceptionnelle de notre école cette semaine, en accord avec son Directeur, notre engagement demeure plus que jamais entier et renforcé : poursuivre nos actions éducatives dans la conviction profonde que l’avenir de Madagascar se construira notamment par l’éducation, l’accès à la santé et à une alimentation digne.

Références :
Le monde du 18-10 : Madagascar, Michael Randrianirina , un putschiste en quête de légitimité.
Le Monde du 16-10-2025 : Après la chute du président Andry Rajoelina, Ou va Madagascar ?
Le Monde du 15-10-2025 : « Je ne veux pas donner l’impression que la France est toujours aux manettes de Madagascar. »
RFI du 19-10-2025 : Madagascar : à Antananarivo, une foule en liesse célèbre sa « révolution » place du 13 mai.
RFI du 16-10-2025 : Madagascar : après le changement de régime, l’aide internationale sera-t-elle coupée ?
Capture écran de L’express de Madagascar.